L'ambiguïté du quotidien infirmier
L'Homme qui ne parle pas ...
Aujourd'hui, j'ai pu voir l'horreur humaine ou la détresse de la vie mise à nue.
Un homme d'une cinquantaine d'année, déchiré par sa récente séparation, s'est immolé avec de l'alcool à brûler.
Cet être, qui ne ressemble plus à un Homme, qui n'est plus vraiment vivant, qui n'est pas vraiment mort, était posé là, sur ce matelas face à moi. Brûlé à 98 % de sa surface corporelle tapissé par une peau cartonnée quelques fois noire, quelques fois jaune.
Rien ne semblait plus vivre en lui, si ce n'est cette monstrueuse cage thoracique venu nous défier à vouloir sans cesse se remplir puis se vider.. cet Homme respirait encore ...
Défiant toutes les lois d'éthique, j'ai assisté impassible à sa trachéotomie, les coups de scalpels ne faisant même plus saigner sa peau.
Mulder et Scully, les médecins ont réussi leurs gestes sans faille, et j'allais dire tout s'est malheureusement bien passé.
Je déteste ce service de grands brulés.
Pas de fenêtre, pas d'air pur, pas de lumière, tous habillés en bleu, la couleur du froid dans ces box où la température avoisine les 41°.
Je ne suis pas Dieu, je ne suis pas médecin, il y a probablement une multitude de raison qui ont conduit ces bac+12 à garder cet Homme en vie, je n'ai pas les réponses à tout, mais quelques fois il serait utile de nous demander notre point de vue sur la prise en charge de ces personnes ou simplement nous expliquer pourquoi ils ont décidé cette prise en charge, à nous, infirmières, qui vivons au quotidien avec ces hommes, ces femmes, en désespoir si profond qu'ils décident de s'enlever la chose la plus importante au monde : la vie en eux.