En ce jour du 31/10/08, 08h30...
Le voila.
Le Jour J.
Ce jour tant attendu durant 3 ans 1/2.
Dès le premier jour de première année on t'en parle : "le jour où vous passerez votre Diplôme d'Etat."...
Ce jour là, pour moi, est arrivé.
Plus vite que je ne le pensais.
Pas le temps de prendre vraiment mes marques dans ce service infectieux, pas le temps de bien connaître toutes les pathologies, pas le temps de connaître tous les effets secondaires des antibiotiques, qu'il est arrivé.
Je ne suis couché que depuis 3h quand le réveil sonne. Au lieu d'une douce musique qui te réveille dans ta petite couette toute chaude, un bon morceau de rock de Pink te déchire les oreilles. Ca y est, c'est LE jour.
Je me lève, je me regarde dans la glace, j'ai les yeux injectés de sang, des cernes jusqu'à la bouche et j'ai la couleur d'une anemiée. Merde, si ça se trouve elle va me prendre pour une patiente..
3 doses de café dans une tasse et 2 gurosan plus tard je monte dans la voiture.
En roulant je me dis que c'est peut être la dernière fois que je fais cette route vers ce CHU avec cet autocollant "Etudiant" sur le pare brise, que c'est peut être la dernière fois que je vais mettre le E de EIDE quand je cocherai un soin et que c'est peut être la dernière fois que je ferais 4 aller retour à la pharmacie en passant par le labo... Je sens cette pression interne monter en moi, je suis vraiment consciente que je vais jouer ma vie, mon destin, mon projet, ma .. bon ca va calme toi c'est qu'un examen.
J'arrive dans la salle de soin, la lumière m'assassine les yeux de l'intérieur (si si c'est possible j'vous jure). J'envoie un "bonjour" à tous ces dos qui préparent des cycles, tous ces dos se retournent et me regardent bizarrement. "Ca a pas l'air d'aller l'élève ?" "mais si ca va" lui répond une autre infirmière en lui donnant un coup de coude "chuuut, elle passe son DE ce matin" aaAAaaAAhh ..; silence de mort.
J'ai l'impression que le film de ma vie se joue là, devant mes yeux. Je regarde l'horloge et j'ai l'impression que d'un coup les minutes défilent comme un film qu'on met en accéléré. Les patients, les tensions, les températures, les bilans, les toilettes, les petits déj, le nettoyage de la chambre, j'ai l'impression de vivre tout cela en une seule minute, je ne comprends rien, je regarde l'horloge : putain, 08h30. C'est l'heure. C'est mon heure. Peut être je vais mourrir. peut être je vais me prendre la honte de ma vie en oubliant un truc pourri à la con, LE truc dont-tout-le-monde-se-fout mais qui vaut zéro... peut être je vais me prendre les pieds dans le chariot et m'affaler comme une merde dans le couloir, ou alors m'évanouir qui sait ? une fraction de seconde je pense à partir en courant sortir, hurler et me jeter sous une voiture.. n'y pense plus.
La porte des escaliers de secours s'ouvre et j'entends une voix féminine dire "bonjour, je viens faire passer un DE". Cette phrase résonne dans ma tête, j'ai l'impression qu'elle tape dans tous les recoins, mon coeur s'emballe, je tachycardise sec, j'ai très mal à la tête tout à coup, mes mains deviennent moites, jarrête de respirer, mon dieu s'en est trop.. je me mets à pleurer.
Et là, comme si un mécanisme physiologique interne d'origine inconnue s'était déclenché en moi : impossible d'arrêter ces larmes...
Et moi voila en pleine salle de soin à pleurer et pleurer et pleurer. Un externe puis 2 puis 3 s'approchent "ca va aller" un bon tapage sur l'épaule. Le bon vieux truc qui te sert absolument à rien dans ces moments là.
Je sens que j'ai des gouttes qui coulent même de mon nez, je me demande si je peux faire une déshydratation subite par pleurs et éviter ainsi l'examen quand j'entends "Mon dieu, c'est toi qui fait passer le DE aujourd'hui". Un mouah, puis un autre mouah, tiens, à qui elle fait la bise ? Puis un autre mouah, et encore un et un autre, mais elle connaît tout l'hôpital ou quoi ? de larges rires arrivent jusqu'à mes oreilles "Ah c'est toi ?" "Mon dieu, regarde qui est là ?" "Non, c'est pas vrai c'est toi ?"
Je n'en peux plus !! mais quelqu'un va t il me dire qui est ce !!!
Je suis en train de sécher rapidement mes larmes avec des compresses non stériles quand j'entends dans le couloir : "Oh Ginette, elle est super l'élève tu sais, tu lui donnes son DE hein " Et la réponse aussi surpenante que directe "Ne t'inquiete pas, tu me connais, si ca va pour un soin et une démarche, ce sera une formalité"....
Je n'entends plus rien. Les bruits extérieurs ne me dérangent plus. Je ne suis plus dans cette salle de soin, je suis dans une clairière, je vole au dessus d'un champ de blé, le soleil me caresse le visage et je respire même cet air si pur et si doux, je vole et je "Bonjour Mademoiselle". Ouah ! Brusque retour à la réalité, ah oui, l'hôpital, la salle de soin, les patients, la plannif, le DE...
Comme un claquement de doigts la vacation a commençée et s'est arrêtée, je n'ai rien vu passer, j'étais très détendue, les patients, les présences, la technique , le relationnel, l'urgence du moment gérée, tout s'est nickellement bien passé, "Vous avez fait un excellent diplôme d'Etat Mademoiselle" Je n'ai de nouveau plus rien entendue après...
Je vais enfin pouvoir enlever le E de EIDE...